Reproduit avec l’aimable autorisation de l’association des artisans Laviers & Murailleurs de Bourgogne.
Saison 16 – L’écriture
Gravures – Inscriptions lapidaires – Appareillages – Poèmes – Lettres
Edito
A l’heure où des vœux s’écrivent pour voir fleurir les jours à venir,
les pierres, depuis longtemps, en leur cœur nous délivrent des messages.
Des messages à déchiffrer, à lire, à travers les cristaux, à travers les murs.
Des lettres gravées, cachées sous une pierre taillée.
Que nous racontent-elles ?…
Comment déchiffrer ces écritures ?…
En souhaitant le meilleur à toutes nos relations.
Bonne lecture !
Comme un grand livre ouvert |
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(extrait) « Lorsque je promène ma carcasse menue par monts et par vaux, je n’oublie jamais que tous les signes produits par le monde – sauvage et libre ou humanisé – sont colligés dans les replis de la Terre, imprimés sur ces pages sublimes que sont les pierres. C’est dans ces errances heureuses, dans ces marches salvatrices et solitaires, dans ces pas souples et lents, que l’envie de graver souvent me prend. Graver dans la pierre… Laisser ici ou là, de par le monde et sur le roc, comme de petits tatouages, juste imaginés pour célébrer la grâce d’un monde aimé, celui qui me lie à la dimension brute et pourtant follement élégante du dehors. Celui qui me relie aussi à quelque chose de très ancien. D’antédiluvien. Quelque chose que je ne sais pas dire mais qui anime pourtant chacun de mes gestes de graveur. Gestes qui ne sont certainement pas très différents de ceux exprimés par mes ancêtres cavernicoles ! Tout comme est ténue la distinction de leurs outils avec les miens : une poignée de ciseaux et deux maillets de bois, prolongement de la main qui vient incarner la pensée. Simplicité et légèreté. Compagnes, complices, de mon expression gravée. Mais avant la gravure, il y a la rêverie, l’imaginaire et la divagation ! Comme il est savoureux de laisser son esprit vagabonder à la recherche de mots beaux à penser, à murmurer, à calligraphier. Choisir un vocable généreux avec le souhait de le confier ensuite à la pierre. Pour le transmettre enfin au regard et au toucher de l’Homme. Partager. Composer ces mots, les calligraphier, s’amuser avec eux, avec leurs jambages et leurs empâtements, leurs courbes et leurs diagonales, leurs pleins et leurs déliés est un exercice jubilatoire qui apaise autant qu’il stimule. Et lorsque ces caractères se mettent en vie dans la pierre jouant sans fin avec l’ombre et la lumière, ils deviennent supports à la finesse d’une méditation qui équilibre l’être tout entier. » |
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Marie Chastel – texte inédit -, graveur et écrivain, auteur de Le secret des pierres, petite célébration du monde minéral, éditions Transboréal |
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Rencontrez Marie Chastel en écoutant cette émission de radio (France Inter) |
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Photo : Marie Chastel. « Le rire de la pierre » (détail). Pierre de Tavel (Gard). |
Les signes lapidaires |
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(extraits) Toute société, toute culture sont consubstantielles aux signes. II n’est pas de communications qui ne soient liées à leur emploi. (…) Les artisans de la pierre (tailleurs de pierre, carriers, etc.) n’échappent pas à la règle. Matériau pérenne, la pierre a dans la plupart des cas bien conservé ces signes à travers les siècles, voire les millénaires. Leur étude en est donc possible. (…) De tout temps et en bien des lieux, là où l’homme exploita la pierre, les marques eurent tendance à paraître. Signes par essence, les marques gravées délivrent divers messages. Les signes utilisés par les artisans de la pierre sont de deux types : les signes identitaires et les signes utilitaires. Les premiers expriment l’identité de leur auteur dans le but de justifier un paiement, un salaire. C’est ce que l’on nomme communément « la marque de tâcheron ». (…) Plus que de simples marques de fabrique, ses signes font donc partie dans ce cas d’un système plus large de faire-valoir individuel ou collectif. (…) Les signes utilitaires ont vocation à renseigner les différents protagonistes qui interviennent dans la construction d’un ouvrage en pierre. Ces marques répondent donc à des besoins spécifiques afin de faciliter la mise en place des pierres. Ce sont les signes de pose (qui indique le sens de la pierre sur elle-même) et d’appareillage (emplacement d’une pierre dans un ensemble). (…) Les signes lapidaires entretiennent avec l’écrit des rapports directs et indirects. Directs en ce qu’ils sont utilisés comme tels dans les documents écrits; indirects en ce qu’ils ont recours aux lettres comme éléments constitutifs, ou que leurs discours s’apparentent aux cohérences exprimées par l’écriture. (…) Ainsi, la «marque de tâcheron» du tailleur de pierre va devenir un signe de reconnaissance individuelle en toutes circonstances, une sorte de signature. Tracée en garantie par son propriétaire, elle s’inscrit dans un processus d’auto-réflexivité référentielle, à savoir qu’elle déclare par sa présence que le nom indiqué est bien le bon, qu’elle le confirme, qu’elle valide sa propre identité exprimée, sous une autre forme écrite. Son rôle est donc tout a la fois essentiel et complémentaire. |
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Article rédigé à partir de l’étude Signes gravés, signes écrits, signes reproduits |
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Lire du même auteur : Pour comprendre les signes lapidaires aux éditions Safran. |
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Ce livre est un guide pratique pour connaître le signe lapidaire, son historiographie, sa morphologie et les apports de la glyptographie (étude des signes gravés) à l’histoire. L’auteur, Jean‑Louis Van Belle, docteur en histoire est fondateur et président du Centre International de Recherches Glyptographiques (CIRG). Les éditions Safran offrent une réduction de 5% aux lecteurs de « Pierres qui roulent… » grâce au code promotionnel suivant : 172802VB5 (valable jusqu’au 28 février 2017). |
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PHOTO du haut : Martin Muriot. Lettre gravée sur un lit de pose d’un linteau, probablement au XIXème s. Calcaire à entroques du Jurassique, carrière de Nanton (71). |
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